Cher Journal (pas très) intime,
Aujourd’hui, j’ai vécu un moment que seules les joies de la parentalité peuvent offrir. Tu sais, ce genre de moment où ton enfant, avec son innocence désarmante (et un brin assassine), réussit à te faire sentir… disons… légèrement vintage.
Ça commence toujours par un truc banal, un truc inoffensif. Là, par exemple, c’était un devoir d’école : l’arbre généalogique.
Facile, tu te dis. Oui, enfin… sur le papier. Dans la vraie vie, c’est une autre histoire.
Ma fille, 7 ans, s’attaque à l’exercice avec l’enthousiasme de quelqu’un qui n’a encore jamais rempli une déclaration d’impôts. Elle grimpe tout en haut de l’arbre : elle se dessine elle-même. Check. Puis elle ajoute sa sœur. Check. Jusqu’ici, c’est un sans-faute.
Et puis, arrive mon tour. Moi. Maman. L’héroïne multifonction du quotidien, qui réussit l’exploit de jongler entre les goûter et les lessives, tout en retrouvant des chaussettes disparues.
Elle prend son stylo. Elle note mon prénom. Mon jour de naissance. Mon mois de naissance. Et puis, l’année.
1…9…9…
Elle s’arrête net.
Et là, elle lève la tête, me regarde.
Puis elle balance :
— WOUAW !
À cet instant précis, j’ai senti mon âme se fissurer. Lentement.
— Quoi « wouaw » ?!
Elle me fixe toujours, comme si elle venait de découvrir que j’avais survécu à l’extinction des dinosaures.
— Mais c’est vieux !
Vieux ? Pardon ? Je n’ai même pas encore de cheveux blancs.
Je me redresse, prête à défendre mon honneur.
— Je te signale que j’ai 26 ans, hein. C’est jeune, 26 ans !
Et là, la phrase qui m’achève :
— Oui, mais… 1998, ça fait longtemps.
Longtemps. Longtemps ?! Mais elle est sérieuse, là ?!
— Tu écris l’année et, si tu veux arriver à tes 8 ans, évite de me regarder comme ça.
Mais c’était trop tard. Le mal était fait. Dans sa petite tête, je venais d’être rangée dans la catégorie des antiquités.
Alors, si quelqu’un me cherche, je suis sur le canapé. Sous un plaid. Avec un pot de crème anti-rides dans une main et un mouchoir dans l’autre, en train de pleurer sur ma jeunesse qui, visiblement, s’est fait la malle.
Avec mon cœur (un peu ridé),
Angélique