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Concours de Nouvelles : Le Cirque des Possibles

Courir sur la plage, à l’aube, accompagné du vol des goélands était un plaisir absolu que rien ne pouvait gâcher, ni la pluie, ni les rafales, mais ce matin, son pied buta contre un objet à demi enseveli dans le sable qui faillit l’envoyer au tapis : une bouteille en verre à l’intérieur de laquelle se trouvait une lettre jaunie.

Catherine, le visage teinté d’une légère rougeur, se redressa les cheveux en désordre et jura intérieurement avant de jeter un coup d’œil furtif autour d’elle. Le bord de mer était désert à cette heure prématurée. À l’exception d’une mouette solitaire qui semblait se moquer d’elle avec son rire narquois. Les arbres bordant la plage, quant à eux, se balançaient avec grâce au rythme de la brise marine, semblant également juger la situation amusante.

Les sourcils rapprochés et les bras croisés sur sa fine poitrine, elle souffla :

— Ouais, c’est ça, moquez-vous tous autant que vous êtes…

Ne pouvant résister à l’appel mystérieux de cette découverte, elle saisit la bouteille ensablée, effaçant méticuleusement chaque grain qui l’entourait. Le verre froid et lisse glissa entre ses doigts. Son cœur s’emballa, tambourinant dans sa poitrine avec une frénésie indomptable. L’étiquette défraîchie du flacon révélait une inscription à moitié effacée : « Message d’espoir pour les âmes perdues ».

Catherine haussa un sourcil, intriguée par ces mots.

— Eh bien, ça tombe bien, parce que je me sens plutôt perdu en ce moment.

Le vent marin caressait ses cheveux, lorsque d’un geste vif et empreint de curiosité, elle retira le bouchon de la bouteille et en extirpa le fragile morceau de papier qui, malgré ses contours irréguliers, semblait avoir miraculeusement résisté à l’humidité du lieu. La lettre jaunie était noircie d’une écriture cursive, à la fois élégante et délicate à déchiffrer. Ses pulsations cardiaques battaient au rythme de l’inconnu, tandis qu’elle plissa les yeux. Se concentrant pour lire chaque mot à voix haute, son index suivant avec précision les lignes tracées sur le papier friable.

« Cher inconnu,

Si tu lis ces mots, c’est que tu as trouvé ma bouteille égarée. Je suis un explorateur intrépide et aventurier dans l’âme, mais également doté d’un sens de l’humour à toute épreuve. Lors de mes voyages à travers le monde, j’ai toujours été en quête de nouvelles expériences et de découvertes surprenante.

Ainsi, j’ai finalement décidé de laisser ma trace dans cette bouteille, avec l’espoir qu’elle trouverait son chemin vers les mains d’une personne qui, comme moi, apprécie les surprises.

Bon, maintenant tu dois te demander qui je suis et pourquoi j’ai décidé d’envoyer cette bouteille… Eh bien, cher inconnu, laisse-moi te dire que ma vie a été une suite d’événements aussi étranges que merveilleux !

En effet, j’ai traversé des océans tumultueux, gravi des montagnes, et j’ai même fait la connaissance d’une tribu de singes savants qui m’ont initié à l’art de jongler avec des bananes.

Mais assez parlé de moi !

Ce message que tu lis est bien plus qu’une simple anecdote. Il est un appel à la spontanéité et à la joie de vivre. Ne laisse pas les soucis du quotidien te submerger, prend le temps de t’émerveiller devant la beauté du monde qui t’entoure. Laisse-toi emporter par l’inattendu et l’insolite. Cueille des fleurs sauvages au détour d’un chemin, danse sous la pluie en laissant la pluie te câliner la peau, chante à tue-tête en rythme avec la symphonie de la vie. En somme, ris, aime et vis chaque instant, comme s’il était le dernier.

Oh, et une dernière chose avant de se quitter : méfie-toi des chameaux dansants. Ils sont plus rusés qu’on ne le croit… Et tu ne pourras pas dire que je ne t’ai pas prévenu !

Maintenant, cher inconnu, je te souhaite bon vent et une vie remplie de surprise aussi étonnante que cette lettre. Puisses-tu trouver ton propre chemin d’aventure et de joie, car la vie est un merveilleux voyage qui ne demande qu’à être exploré.

Signé : l’Explorateur Farfelu. »

D’une main agile, Catherine balaya sa longue chevelure de feu regroupée en une queue-de-cheval qui dansait joyeusement dans le vent. Elle laissa échapper un rire cristallin qui illumina son visage aux traits fatigués, dissipant brièvement toute trace de soucis. Ses yeux bleus pétillants d’une lueur malicieuse lorsqu’elle s’imagina l’Explorateur Farfelu.

Avec précaution, elle rangea la bouteille et la lettre dans son sac à dos, bien décidée à rire de cette nouvelle inattendue avec son ami l’ordinateur, celui qui avait été témoin de ses luttes contre le syndrome de la page blanche.

Le parfum reposant de l’océan mêlé aux effluves des pins et de l’odeur caractéristique du sable humide emplissaient ses narines avec délice. Catherine se sentit soudainement vibrer d’une énergie intense, comme une aventurière prête à conquérir le monde avec l’immensité de son imagination d’écrivaine. Chaque inspiration était empreinte de cette délicieuse excitation qui la propulsait au-delà de la page blanche qui l’avait narguée ces dernières semaines. Les idées affluaient, les mots se bousculaient dans son esprit en une danse effrénée.

Mais alors que tout semblait se dérouler paisiblement, l’univers décida d’ajouter un peu de piment à sa vie. Et un éclair zébra le ciel, suivi d’un tonnerre aussi puissant qu’inattendu fit sursauter Catherine.

Brusquement, le temps sembla se figer, comme si quelqu’un avait appuyé sur le bouton pause. Les vagues qui s’élançaient avec fougue se retrouvèrent immobilisées dans leur mouvement. Les oiseaux restèrent suspendus dans les airs, leurs ailes déployées figées dans le vent. Un silence étrange d’une attente suspendue enveloppait désormais la plage.

Enfin, surgissant de nulle part, un énorme tourbillon de sable se forma juste devant Catherine, tournoyant avec une énergie déchaînée digne d’un ouragan de caféine. La malheureuse jeune femme se trouva prise au piège dans cette spirale chaotique, se débattant avec l’élégance maladroite d’un kangourou en patins à glace.

Les particules de sable virevoltaient autour d’elle, dansant avec frénésie et balayant ses cheveux dans une chorégraphie folle. La vision de la plage devint floue, comme si le monde extérieur à la tornade se fondait dans une symphonie de grains dorés. Catherine, effrayée, ferma les yeux, protégeant son visage de l’assaut des projectiles naturels qui piquaient sa peau et fouettaient ses vêtements dans un ballet sauvage.

Et puis, aussi soudainement qu’il était apparu, le tourbillon de sable se dissipa. Catherine se retrouva à genoux, le souffle court, les cheveux en bataille et le corps marqués de petites égratignures. Elle releva la tête et ouvrit de grands yeux face à la scène qui se jouait devant elle. Loin de la plage, la voilà désormais entourée d’acrobates voltigeant dans les airs tels des oiseaux majestueux, de jongleurs aux gestes précis et calculés comme s’ils détenaient un doctorat en géométrie, et de clowns aux larges sourires figés qui pourraient rivaliser avec le Chat du Cheshire. Des projecteurs colorés éclairèrent l’atmosphère chargée de magie.

Catherine se trouvait en plein centre de la scène d’un cirque.

Tous les regards se braquèrent sur elle. Les artistes se suspendirent dans leur numéro et les applaudissements s’évanouirent dans l’air.

Un silence pesant enveloppa l’ensemble du chapiteau, si profond que Catherine pouvait presque entendre les nuages bouger.

Son cœur battait à tout rompre, mêlant l’émerveillement et la peur.

Puis, comme par magie, un homme âgé d’une quarantaine d’années émergea de l’ombre, son apparence flamboyante captant instantanément l’attention de la jeune femme. Vêtu d’un costume aux couleurs vives et coiffé d’un chapeau blanc et rouge, il semblait tout droit sorti d’un dessin animé.

— Bravo, Catherine !

L’homme à l’allure hurluberlu tendit sa main droite à Catherine, qui la saisit instinctivement. Puis, d’une voix tonitruante empreinte de théâtralité, il poursuivit :

— Laisse-moi te présenter celui que tout le monde attend, celui qui défie les lois de la logique ! Je suis l’Explorateur Farfelu, le maestro de l’extravagance, l’artisan de l’absurde ! Et toi, chère audacieuse, tu as réussi le test ultime de l’imagination, les défis suprêmes du discernement farfelu ! Tu as su croire en l’incroyable, embrasser l’absurde et balayer la raison. Tes pensées se sont affranchi des limites du conventionnel et ont pris leur envol vers des horizons nouveaux. Tu es donc digne de percer le secret du Cirque des Possibles.

Catherine papillonna des paupières. Ne sachant plus très bien si elle était éveillée ou si elle avait été transportée dans un rêve où les frontières entre réalité et fantaisies avaient disparu.

L’Explorateur Farfelu lui tendit une boite rouge ornée de motifs colorés, et ajouta d’une voix marquée de mystère :

— À l’intérieur se trouve le véritable trésor, la clé des mondes parallèles, des histoires infinies et des aventures inexplorées. Ouvre-la, et tu seras libre de vagabonder à travers des réalités plus extraordinaires les unes des autres.

Catherine prit la boite de ses mains tremblantes, oscillant entre l’excitation et la curiosité. Et en se demandant si elle renfermait réellement une clé magique ou juste une réserve secrète de maquillage destiné aux clowns.

Pendant ce temps, autour d’eux, les artistes du cirque reprenaient leur numéro avec une énergie contagieuse. Les jongleurs manipulaient des oranges géantes avec habileté, tandis que les clowns poursuivaient leurs facéties en soufflant des bulles de savon de part et d’autre.

Catherine, encore abasourdie par tout ce qui se passait, tenta de rassembler ses esprits et s’adressa à l’Explorateur Farfelu, dans ton légèrement moqueur :

— Et qu’est-ce que je suis censé faire avec cette boite, au juste ? Devenir la reine du cirque des clowns farceurs ?

L’homme excentrique agita les bras d’un geste théâtrale, accentuant son air mystérieux.

— Oh, ma chère Catherine, ce n’est pas qu’une simple boite, c’est LA clé vers l’inconnu ! Avec elle, tu pourras ouvrir les portes de l’imagination sans fin. Dire adieu à ton syndrome de la page blanche et explorer des mondes fantastiques. Vivre des aventures incroyables et laisser ton esprit vagabonder sans barrières. Mais n’oublie pas de revenir de temps en temps à la réalité, sinon tu risques de te perdre dans les méandres de l’imagination les plus loufoques !

La jeune femme acquiesça, se demandant si elle devait prendre cela au sérieux ou si c’était juste le discours d’un homme qui avait passé trop de temps en compagnie de singes savants.

Sans plus attendre, l’Explorateur Farfelu salua exagérément la foule, faisant valser son chapeau dans les airs avant de s’éloigner en riant à gorge déployée. Ses vêtements colorés se fondant peu à peu dans l’agitation du Cirque des Possibles.

Impatiente de découvrir les mystères qui l’attendaient à l’intérieur de la boite, Catherine leva le couvercle avec précaution, les yeux pétillants et les pupilles dilatées.

Néanmoins, au lieu de trouver un trésor flamboyant auquel elle espérait, la jeune femme fut accueillie par une lumière blanche et aveuglante qui lui arracha une grimace de surprise et de désarroi.

Quand sa vision se rétablit enfin, Catherine se retrouva de nouveau sur la plage, les mains vides et une expression déconfite sur le visage. Comme si ce qu’elle venait de vivre n’avait été qu’une simple hallucination fugace.

Un long soupir mélancolique s’échappa de ses lèvres.

— Eh bien, c’était une expérience plutôt lumineusement décevante…

Cependant, et malgré cette déception, un sourire en coin éclaira subitement son visage pâle. Et deux petites fossettes firent leurs apparitions sur ses joues rebondies.

— Le cirque des possibles, c’est un bon titre de roman, non ?

Elle se tourna lentement vers l’horizon, où les vagues s’offraient à elle dans un ballet infini et envoûtant. Des goélands et des mouettes tourbillonnaient au-dessus d’elle, d’un calme appréciable.

Assise à même le sable fin, les pieds plongés dans l’eau fraîche de l’océan, Catherine se mit à réfléchir à toute cette aventure faramineuse. Le bruit des vagues se mêlait à ses pensées, apportant une douce mélodie à sa réflexion.

Était-ce donc un rêve éveillé, un simple délire fantastique ? Ou peut-être était-ce là la véritable magie de la vie ?

Angélique Brazier – Auteur

Nouvelle écrit pour le concours de nouvelles avec Mélissa Da Costa.