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La tête dans les étoiles

Blottie avec douceur sur une balancelle, je sens la chaleur du bois contre ma peau et le doux équilibre qui m’apaise. Mon regard s’élève de lui-même vers le firmament. Comme attiré par l’appel silencieux des étoiles qui dansent dans l’obscurité avec un éclat chatoyant.

Depuis l’aube de ma vie, les étoiles ont été mes compagnes silencieuses. Leur lueur mystérieuse, leur éclat flamboyant dans l’obscurité infinie du ciel nocturne. Des astres lointains qui ont jalonné mes nuits et tissé l’étoffe de mes rêves. Ces points lumineux sont les gardiens de mes songes. Les gardiens d’un univers sans fin. Chaque étoile semble être un joyau incrusté dans le velours de la nuit, refermant en elle une histoire. Un récit millénaire. Un secret universel qui me dépasse.

Cependant, à mesure que les années sont passées, la maladie qui m’incombe a commencé à grignoter les piliers de ma mémoire. Les étoiles, jadis source de clarté dans mon esprit, sont devenues un sujet d’émerveillement mêlé de confusion. Par moments, mes pensées s’évadent, vagabondent vers des horizons mystérieux. Je me prends à imaginer, d’une manière presque magique, que les étoiles possèdent peut-être un langage qui m’échappe. Qui sait, peut-être pourraient-elles être capable de me guider vers le lieu où j’ai soigneusement rangé mes clés, ou de me souffler à l’oreille le nom de cette personne qui partage mon espace ? Les visages, autrefois familiers, se muent en énigmes à déchiffrer. Mon village s’est transformé en une terre inexplorée qui m’appelle à redécouvrir ses secrets enfouis. Pourtant, chaque fois que je m’abandonne à ces rêveries, la dure réalité me rattrape impitoyablement. Ma mémoire est une malle percée. Une passoire qui laisse s’écouler les souvenirs précieux. Laissant ma vie flotter hors de ma portée, telles des étoiles fuyant l’aube naissante.

La maladie, insidieuse voleuse de mémoire, m’a pris tant de choses. Les moments chéris, les visages aimés. Tout s’efface peu à peu dans l’obscurité de l’oubli. Pourtant, au milieu de ce tourbillon d’incertitude, elle m’a également offert un trésor inattendu. Une vision unique, inédite du monde. Un regard purifié qui saisit le monde sous une lumière différente. Une perspective nouvelle qui se dessine à présent devant moi. Chaque instant, chaque détail, se pare d’une intensité et d’une beauté insoupçonnée. Je me sens comme un enfant qui s’éveille à la vie. Émerveillé par la moindre lueur, la plus petite feuille qui danse au gré du vent.

Alors que je me lève de la balancelle, un sentiment de détermination m’habite. Chacun de mes pas incertains est enveloppé d’une douce lueur céleste. Les étoiles devenant mes compagnes fidèles. Leurs éclats scintillants forment une traînée de lumière dans l’obscurité, créant un sentier qui m’encourage à avancer. Elles dansent autour de moi, telles des lucioles bienveillantes qui m’éclairent le chemin et dissipent les ténèbres de l’incertitude. Dans ces moments-là, j’aime les imaginer comme des anges célestes. Des gardiens veillant sur moi. Comme si, dans l’immensité de l’oubli, j’étais entouré d’une protection aimante.

De retour chez moi, je m’installe dans mon fauteuil préféré. Du moins, je crois que c’est lui. Les souvenirs semblent flotter tout autour de moi, hors d’atteinte. Soudain, une idée me traverse l’esprit. Je bondis précipitamment, attrape un morceau de papier et un stylo, et me mets à écrire. Les mots s’écoulent de ma plume avec grâce. Les souvenirs oubliés, les histoires évanouies, tout se rassemble dans une mélodie de mots couchés sur le papier. Une danse poétique que seul mon esprit abîmé peut orchestrer.

La maladie peut m’effacer de la réalité si elle le souhaite. Mais elle ne pourra pas m’arracher ma créativité. Mes récits, mes pensées, mes émotions, je les dépose sur cette fine feuille telle une pluie d’étoiles éternelles dans un ciel infini. Chaque lettre, chaque trait de plume, est une lumière qui brille dans l’obscurité de ma maladie.

Chaque mot que je trace est une étoile qui trouve sa place au firmament de mes pensées.

Dans le ciel infini, mes étoiles se mêlent à celles qui brillent depuis toujours. Créant une constellation unique. Un récit qui transcende le temps et l’oubli.

Peut-être que, en vérité, je suis moi-même déjà une étoile. Une essence lumineuse née de l’intérieur. Une flamme intérieure qui persiste, inébranlable et éternelle. Une lueur transcendant l’obscurité qui tente de l’encercler. Une étoile dont l’éclat ne connaîtra jamais l’extinction.

Dans ce tourbillon de souvenirs égarés, il se peut que j’aie trouvé l’étoile indestructible. Celle dont la lueur ne faiblira jamais. Peut-être ne suis-je pas un ciel étoilé, mais, en fin de compte, je brille toujours. Et ce, même dans les recoins les plus sombres de mon esprit.

Car la lumière qui émane de moi ne se laissera pas étouffer par l’oubli, telle une flamme qui demeure ardente et inaltérable. Une étoile qui illumine mon monde intérieur, et qui continue de le faire.

Même au-delà des limites de ma mémoire.

Angélique Brazier – Auteur